mercredi 30 janvier 2013

Kédougou : Les habitants de Fadiga ne veulent plus être « des marginaux »

De la discrimination, les habitants de Fadiga, localité située à environ 2 Km du centre-ville de Kédougou sont montés au créneau ce lundi 28 janvier 2013 pour plaider en faveur de l’ abrogation de la loi 76-04 qui a toujours fait de leur localité « un village de reclassement ». Ils la considèrent « dépassée et discriminatoire) . Donnant aujourd’hui l’allure d’un quartier de la commune de Kédougou ,Fadiga est un ancien village de reclassement créé dans un contexte particulier . « En 1965 ,à travers la loi 76 03 l’Etat a créé dans chaque région administrative des léproseries pour « parquer les lépreux » . Quelques années plus tard, pour un peu humaniser l’appellation, ces léproseries vont devenir des villages de reclassement social » a rappelé Abdoulaye Sylla étudiant, ressortissant de Fadiga. Justement pour « parquer et isoler » les personnes atteintes de lèpre jadis considérée comme une maladie honteuse causée par le bacille de Hansen, un village est né . Vu ses qualités d’homme d’une simplicité légendaire, qui avait placé les relations humaines au premier plan Abdoulaye Fadiga ,le premier gouverneur de la BCEAO (du 15 décembre 1974 au 11 octobre 1988) a donné son nom à ce village de reclassement . C’est toute l’origine de l’ appellation « Fadiga ». Depuis lors de par les progrès de la médecine et le soutien de partenaires comme la DAW/ASAL, la lèpre a fini par être vaincue . Hormis qu’il existe encore d’ anciens malades et quelques personnes guéries dont les séquelles sont encore visibles ,aucun nouveau cas de lèpre n’ a été déclaré dans ce village depuis quelques années. Et pourquoi ce village continue à être considéré comme un village de reclassement. Fadiga veut tourner la page de la discrimination Malgré l’urbanisation galopante ,qui rapproche de plus en plus Fadiga à la commune de Kédougou et « l’éradication de la lèpre » dans cette localité , les habitants de Fadiga ne veulent plus de cette appellation « village de reclassement ».Pour mettre fin à cette discrimination qui fait de leur village, « un village de marginaux », les habitants de Fadiga haussent le ton.
« Nous voulons pousser l’Etat à l’abroger la loi 76 03 qui est aujourd’hui caduque voire discriminatoire. Nous ne sommes plus un village de malades. Nous souhaiterons que Fadiga soit intégré comme un quartier de la commune de Kédougou sans discrimination ». Et nous ne pouvons pas concevoir que le forage qui alimente le reste de la commune de Kédougou soit creusé à Fadiga sans qu’aucune concession de Fadiga ne soit branché au réseau. C’est tout fait de la discrimination. C’est tout le sens de notre combat.» a soutenu M Abdoulaye Sylla étudiant, ressortissant de Fadiga par ailleurs représentant de l’ équipe « Dadialo ». Il faut dire par ailleurs qu’ au niveau national ce combat est porté par cette association regroupant les jeunes de villages de reclassement pour l’insertion et l’intégration de ces villages. En tout cas à Fadiga, les femmes ne croisent pas les bras face à cette discrimination qui perdure.« Fadiga ne doit plus être considéré comme un village de reclassement . Nous avons trop attendu l’Etat sur cette question. Il faut qu’on nous restitue notre dignité maintenant. Et nous sommes prêtes à mener le combat. » a laissé entendre Mme Néné Sylla présidente du groupement des femme de Fadiga. Le combat par le travail
Les femmes de Fadiga s’activent principalement dans le maraichage en saison comme en hivernage. Leur jardin maraicher se situe juste au sud-est de la concession du chef de village. Tout prés du jardin d’autres concessions se partagent le reste de l’espace. Ce qui donne à Fadiga l’ allure d’un gros village. L’importance de la démographie de Fadiga se justifie aussi par le nombre de femmes (plus d’une centaine) qui s’activent dans cette activité leur permettant de satisfaire la plupart de leurs besoins . Cependant, elles font face à d’énormes problèmes. La question de l’eau
Ce liquide si précieux à la vie notamment à l’activité maraichère en saison sèche leur fait défaut au moment où les besoins sont pressants. S’étendant sur une superficie d’environ 4ha ,le visiteur est ébloui par la beauté du décor.
Partout et à perte de vue des planches de choux, salade, oignon, tomates, ornent le décor et justifie la qualité du travail abattu par les femmes de Fadiga. Sur les lieux plus d’une dizaine de femmes s’activaient à l’entretien des planches. Les unes groupées autour de chacun des quatre puits situés dans l’ enceinte du jardin remontaient de l’ eau, d’autres bassines en tête transportaient l’eau pour l’ arrosage des planches. Ce travail quotidien devenu une routine les inquiète.
« Nous sommes très fatiguées par le problème d’eau, il y a 17 ans que je mène cette activité. Et depuis lors, nous n’ arrivons pas à trouver de l’eau en quantité suffisante pour mener correctement notre activité maraichère. Pour avoir de l’eau il faut se réveiller à 3h ou 4h du matin . Sinon on risque de ne pas pouvoir arroser nos planches car à force de puiser ,le niveau de l’eau baisse vite. » a soutenu Ndèye Diop ,membre du groupement des femmes de Fadiga. Et pourtant cette activité constitue une source de revenus incontournable pour le maintien de la stabilité dans les ménages. Malgré le conditions de travail des femmes es retombées de cette activité ne sont point à négliger. « Nous ,femmes de Fadiga, c’est grâce à la commercialisation d’une partie de cette production que nous arrivons à assurer la dépense quotidienne dans nos ménages. Nous réglons aussi d’autres problèmes tels que les frais liés aux ordonnances, à l’habillement et à la scolarité pour nos enfants … » a ajouté Mme Diop . L’écoulement des produits reste une autre équation qui n’ a pas encore trouvé de solution. La question de place au marché central de Kédougou
L’autre objectif de cette production importante de légumes est d’arriver à l’ écouler sur le marché local. Malheureusement trouver une place au marché central de Kédougou relève d’un véritable parcours du combattant.
« Nous n’ avons de place au marché central de Kédougou. Pour trouver ne serait ce qu’un petit endroit où étaler ses produits demande beaucoup de gymnastique. Il faut se réveiller vers 4 h ou 5 h du matin, affronter la distance(2km) ,la pénombre pour aller au marché central de Kédougou et attendre l’ arrivée de la clientèle. C’est très pénible pour nous en tant que femmes. Et la mairie ne nous assiste point dans ce sens » a précisé Mme Néné Sylla, la présidente du groupement des femmes de Fadiga. Aussi faut-il ajouter que compte tenu de cette situation, une bonne partie de cette production invendue est consommée. Ce qui ne leur permet pas d’avoir des ressources financières assez consistantes pour satisfaire d’autres besoins pressants des membres de leurs familles respectives. Correspondance (Adama Diaby)